Chartes de l’arbre : Concept, réalité, mise en pratique et développement

Plus j’avance dans la rédaction de ce nouvel article plus j’ai le sentiment d’écrire un livre tant le sujet est large, transversal et complexe. C’est pourquoi je le publie en l’état aujourd’hui mais compte bien le retravailler au fil du temps, voir le découper en plusieurs articles.

Ce qui m’a motivé à fouiller le sujet, c’est lorsque j’ai observé les arbres urbains autour de moi en qualité de citoyen et non plus d’arboriste. Je me suis rendu compte que c’était de pire en pire en terme de place laissé à l’arbre et de tailles sévères, voir douteuses. Alors qu’au même moment, ces mêmes villes se permettent de parler de charte de l’arbre comme si elle avait trouvée un nouveau Graal.

« En parler c’est l’adopter » diraient les communicants, mais pour nos amis les arbres ça ne semble pas vraiment marcher.

Au-delà des intentions et des effets d’annonces, que peut on dire sur les chartes de l’arbre en France ?

Voila comment j’ai structuré cet article

  1. Le sujet : les arbres d’ornement = qu’est ce qui les caractérise ?
  2. Le cadre : les villes, communes, EPCI et métropoles = qui décide quoi ?
  3. Les usages : inventaire, témoignages et observations = généralité
  4. Le concept : les chartes de l’arbre (urbain) = singularité
  5. Les Preuves de Concept (POC) : exemple / hier = recule
  6. Les mises en pratiques (V.1) : exemple / aujourd’hui = expérience
  7. Le Développement (V.2) : Charte de l’arbre 3.0 / demain = ambition
  8. Conclusion
  9. Ressources

Le sujet : l’arbre d’ornement

Je pars du principe que sur l’aspect botanique, vous savez ce qu’est un arbre… sinon ça va être un peu compliqué de suivre.

Sémantique et vocabulaire communs avec Wikipédia

La notion d’arbre urbain désigne tout arbre présent en ville, qu’il y soit spontané ou introduit par l’homme. L’arboriculture urbaine ne concerne plutôt que celui qui est dans le deuxième cas, c’est-à-dire volontairement planté puis entretenu. À la différence du patrimoine floral qui est renouvelé selon un cycle court, les municipalités héritent souvent, comme pour le patrimoine architectural, d’un patrimoine ancien d’arbres (hormis pour les villes nouvelles), donc à gérer sur le long terme. (source)

Les arbres d’ornement sont plantés au sein de l’espace public urbain, campagnard ou montagnard (rues, parcs, jardins, bords des routes, etc.), mais également dans les lieux privés. Leur fonction ne se limite pas à l’ornementation. Ils assurent l’ombrage, le rafraîchissement mais aussi l’accueil d’une faune diversifiée dans les lieux où ils sont implantés. (source)

On appelle arbre d’alignement les espèces d’arbres couramment plantées de manière linéaire et régulière le long des routes et des rues pour les orner et les ombrager.

Ils font partie du cadre de vie et peuvent contribuer au bien-être psychologique, et leur destruction ou un élagage trop « dur » sont de moins en moins apprécié.

Historiquement, c’est Henri II qui ordonna par lettres patentes, en 1552 « à tous les seigneurs hauts justiciers et tous manants et habitants des villes, villages et paroisses, de planter et de faire planter le long des voiries et des grands chemins publics si bonne et si grande quantité des dits ormes que, avec le temps, notre royaume s’en puisse avoir bien et suffisamment peuplé ». (source)

Bon, même si malheureusement on sait depuis que l’orme a été décimé par la graphiose (Ophiostoma ulmi), soulignons que l’intention était quand même plutôt sympa.

Le cadre : les villes, communes, EPCI et métropoles = qui décide quoi ?

J’aurais pu vous parler d’environnement plutôt que de cadre, mais vous allez comme moi rapidement vous rendre compte qu’en fait le problème majeur des arbres urbains est plus d’ordre juridique qu’environnemental. Le millefeuille administratif et les redécoupages des territoires de ces dernières années ont amplifié la technocratie de l’action publique au détriment du bon sens.

Pour comprendre et traiter notre sujet, il est utile et nécessaire d’identifier ces échelles de gouvernances locales.

La ville

Une ville — le milieu urbain — est à la fois un milieu physique et humain où se concentre une population qui organise son espace en fonction du site et de son environnement, en fonction de ses besoins et de ses activités propres et aussi de contingences notamment socio-politiques. La ville est un milieu complexe qui ne peut cependant pas se résumer à une approche physique, car l’espace urbain est aussi la traduction spatiale de l’organisation dans l’espace et dans le temps des hommes et de leurs activités dans un contexte donné.

Les premières villes importantes connues apparaissent à la fin du Néolithique, avec la culture de Cucuteni-Trypillia à partir de la fin du Ve millénaire av. J.-C., en Ukraine, Roumanie et Moldavie ; ces villes pouvaient atteindre plus de 15 000 habitants et s’étendre sur plusieurs kilomètres carrés, elles étaient très planifiées et organisées en plans elliptiques et concentriques.

Source

Le XXe siècle a connu une forte croissance de l’exode rural et des villes. L’Organisation des Nations unies estime en 1950 la population urbaine à 30 % de la population mondiale soit 746 millions d’habitants. 2008 est l’année où — pour la première fois de l’histoire connue — plus de la moitié des humains résident en ville. En 2014, environ 54 % de la population mondiale vit en milieu urbain avec 3,9 milliards de citadins. 60 % de la population vivra probablement en ville en 2030 (surtout dans les pays en développement qui selon les prospectivistes devaient accueillir quatre milliards d’urbains en 2030, soit 80 % des citadins de la planète). (source)

En France, le conseil municipal est l’assemblée délibérante élue de la commune chargée de « régler, par ses délibérations, les affaires de la commune ».

Le conseil municipal doit se réunir au moins une fois par trimestre, ou sur demande motivée d’au moins le tiers de ses membres, mais se réunit le plus souvent une fois par mois.

Le conseil municipal gère la plus petite collectivité territoriale française disposant d’une autonomie juridique et financière : la commune. (source)

La création des villes nouvelles

Dans l’Antiquité, la création de villes est principalement liée à l’extension territoriale des civilisations. On construit des villes pour s’implanter sur de nouveaux territoires.

Source BNF : Plan antique de la ville de Nice

À l’époque féodale, la création d’une ville sur son domaine est le moyen, pour un seigneur, de sédentariser une population migrante ou nomade de journaliers, d’artisans et de marchands. (source)

La commune

En France, la commune est, sur le plan institutionnel, à la fois une collectivité territoriale, à savoir une autorité administrative décentralisée bénéficiant de la personnalité morale, et disposant d’affaires propres, distinctes des affaires de l’État, et une circonscription administrative, à savoir une division administrative dépourvue de personnalité juridique, territoire d’exercice d’un service déconcentré de l’administration étatique ou d’un de ses représentants.

Les communes gèrent l’administration locale (gestion de l’eau, des permis de construire, etc.). En tant que représentant de l’État dans la commune, le maire a la charge des actes d’état civil (naissance, mariage, divorce, décès). De plus il dispose d’un pouvoir de police administrative et, en vertu de son statut d’officier de police judiciaire, d’un pouvoir de police judiciaire, exercé par le biais de la police municipale. (source)

Les communes associées ou nouvelles

En France, le statut de commune nouvelle est celui d’une commune issue de la fusion de plusieurs communes précédentes.

Ce régime, destiné à favoriser le regroupement de communes, remplace les dispositions relatives aux communes associées issues de la loi Marcellin du 16 juillet 1971 et permet le regroupement soit de communes contiguës, soit d’un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) entier qui souhaiterait se transformer en commune nouvelle. (source)

Ce qu’il faut comprendre de ces définitions encyclopédiques, c’est que les villes sont liées à une approche sensible, sociétale et anthropologique. Là ou la commune est liée à l’institution, au pouvoir et à l’autorité.

L’Établissement public de coopération intercommunale (EPCI)

Un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) est une structure administrative française regroupant plusieurs communes afin d’exercer certaines de leurs compétences en commun. Il s’agit de la forme la plus aboutie d’intercommunalité. (source)

La Métropole

En France, une métropole est un établissement public de coopération intercommunale (EPCI). (…) Elle concerne des territoires de plus de 400 000 habitants qui sont soit situées dans une aire urbaine de plus de 650 000 habitants, soit chefs-lieux de régions, soit au centre d’une zone d’emploi de plus de 400 000 habitants. (source)

Source : Liste des unités urbaines de France

Les acteurs privés

Dans tous les cas, que ce soit dans le cadre de partenariats, de programmes, de dispositifs ou de marchés publics, les acteurs économiques et sociaux du territoire sont amené à intervenir soit sur les enjeux de gouvernance (représentants de filières, syndicats de copropriétés, associations environnementales…) soit sur les aspects techniques (opérateurs, intervenant, sous-traitants…).

Leur principal soucis aujourd’hui est l’absence d’un cadre visible, lisible et accessible en tout lieu et à tout moment. Personnellement j’appelle cela « Un cadre de confiance permettant des échanges et de la réciprocité la ou se déroule l’action ».

Les usages : inventaire, témoignages et observations = généralité

Maintenant que nous avons décortiqué comment se sont organisées les villes jusqu’aux métropole modernes, regardons d’un peu plus près la place qu’elles ont laissé aux arbres et aux végétaux au fil des époques.

Notre perception de l’arbre urbain au travers des ages

  • XVIIème siècle : maitriser la nature en la sculptant sur des formes géométriques du type jardin à la française (taille de formation et (re)calibrage)
  • Règne : Louis XIV
  • Contexte : La Monarchie

Colbert et Louis XIV ont besoin de bois pour les constructions de maisons et de bateaux. De 1661 à 1669, un nouveau code est élaboré visant à réorganiser l’exploitation sylvicole et en assurer la pérennité. On distingue donc la partie ornementale proche des propriétés et la partie ressources avec la sylviculture.

  • XVIIIème siècle : on change de cap pour lui redonner sa liberté en port libre (pas/plus de taille)
  • Règne : Napoléon Ier
  • Contexte : L’Empire

Les guerres successives vont faire chuter la ressource en bois de façon drastique (seulement 16% du territoire est boisé). L’arbre d’ornement n’est évidement pas la priorité de Napoléon, bien trop concentré à regarder vers ses conquêtes de territoires.

  • XIXème siècle : l’arbre est vu comme une source et une ressource de production en ville par les agents municipaux (taille de rendement)
  • Règne : Napoléon III
  • Contexte : La 1ère révolution industrielle

C’est le siècle de Charles Darwin ! La botanique va énormément avancer sous l’impulsion de ses recherches même si à l’époque il réduit les arbres et les végétaux comme des « choses inertes et finalement peut intéressantes », d’où l’expression « un repos végétatif ».

Dans les transformations urbaines conduites par le Préfet Hausmann sous l’impulsion de l’Empereur Napoléon III, la création de parcs et de jardins à Paris, ainsi que dans les capitales provinciales, occupe une place importante. Importante par leur création et par leur originalité. Pour expliquer cette émergence des parcs et des jardins, en particulier dans la trame de la rénovation parisienne, il est de coutume d’avancer l’idée que Napoléon III, lors de ses séjours en Grande-Bretagne, aurait été marqué par la place notamment à Londres, accordée aux espaces verts et donc au charme des jardins dit « à l’anglaise ». En conséquence les jardins parisiens réalisés dans le cadre de la rénovation haussmannienne ne seraient que des copies, plus ou moins pâles, des jardins londoniens. Napoléon III n’aurait finalement insufflé dans cette affaire aucune marque personnelle. Il voulait des espaces verts comme à Londres : il les a fait réaliser comme un écrin pour valoriser l’architecture Haussmannienne. (suite et source)

Une grande partie de nos arbres majestueux qui ornent nos parcs et jardins aujourd’hui on été en grande partie planté à cette époque (Cèdres, Sequoia, platanes…).

  • XXème siècle : l’arbre dit d’ornement est apparenté à du mobilier urbain et subit de plein fouet l’extension urbaine (taille sévère)
  • Règne : la République (1ère à 5ème)
  • Contexte : Des pays à l’europe
  • Signe distinctif : 2 guerres

N’ayant pas ou peu de compétences dans les villes, c’est dans les campagnes que l’on va chercher les 1ers élagueurs pour tailler les arbres urbains. Sans connaissances scientifiques et bien sur sans formation, ils appliquent des tailles dites de « production » plus que d’ornement. En effet, pour un rural, l’arbre est depuis la nuit des temps une ressource plus qu’un objet d’ornement, de plaisir. Les tailles en gobelet, les tailles en plateau, les taille en trogne… autant de pratiques que l’on observe encore aujourd’hui sur le patrimoine végétal des villes.

C’est au début des années 80 que la profession va se transformer en France et évoluer vers les dispositifs que nous connaissons aujourd’hui (CS Arboriste Grimpeur anciennement CS Taille et soins des arbres).

C’est enfin un fait constaté et partagé, les arbres sont des climatiseurs naturels face à la montée des températures, des aspirateurs volontaires pour capter le Co2 (carbone) ou plus pragmatiquement comme élément paysagé utile et nécessaire au vivre ensemble. Par ce biais les arbres réapparaissent sur la scène politique locale des villes urbaines et périurbaines en passant par les métropoles.

Si cela devrait nous réjouir, on constate malheureusement que dans les faits, ils sont encore trop souvent relayés comme variable d’ajustement dans les projets d’aménagement urbain, la compensation par de la plantation de plans plus que la préservation d’arbres majestueux reste de mise.

Témoignages d’aujourd’hui

Prenons ici l’exemple de la ville de Saint Étienne dans la Loire avec l’intervention de Charle Dallara, 15ème adjoint chargé des parcs et jardins de la ville en réponse à Ali Rasfi, élu de l’opposition qui posait une question sur la gestion des arbres à Saint Étienne lors du conseil municipal de novembre 2021.

Dans cette réponse nous constatons plus que nous apprenons.

Pour la synthèse : « 30 000 arbres (environ), sur (quelques) 700 Hectares de parcs et jardins, alignement compris, le tout suivi par nos équipes de jardiniers que je salut d’ailleurs… la société Staub en a contrôlé (environ) 5000 en 5 ans… Si il y a un soucis, vous venez me voir et on en parle. »

Pour la mission : Des projets… 1 interlocuteur… des concertations… ma décision… la mission que m’a confié Mr le Maire… vive la république, et vive la France !

Pour la Sécurité : « Je préfère voir un arbre partir plutôt qu’il tombe sur une poussette et que je doive expliquer le pourquoi à la famille. »

Pour la conscience : « Un arbre abattu = un arbre planté »

Pour les con-citoyens : En clair c’est un guichet comme un autre. On y vient parce que l’on a un problème, pas pour aider à résoudre le problème.

Je ne remet ici pas en cause la bonne volonté, voir la passion, de cet élu à maitriser son sujet, mais simplement le fait qu’il ne comprenne pas qu’il ne s’agit plus de « justifier » à Mr le Maire que l’on a bien fait (ou pas) son travail, mais de l’ouvrir à la contribution au plus grand nombre. Face aux enjeux mais surtout aux constats de terrain catastrophiques que dressent chaque jour les professionnels de l’arbre et du paysage (sécheresse, maladies, champignons…), nous n’avons plus le temps ni les moyens de rester dans une politique de guichet. L’intelligence collective est la seule ressources abondante et inépuisable que l’on connaisse.

Je me souvient d’un tweet de Michel Théolière, ancien maire de Saint Etienne, qui lors de tempêtes de vent et chutes de neige déplorait que les citoyens ne puissent pas aider d’avantage les jardiniers et les élagueurs de la ville, il n’était pas d’opposition pourtant.

En fait, nous en sommes au même stade ou certains pionniers ont décidé un jour de créer l’encyclopédie universelle Wikipédia, la cartographie libre OpenStreetMap ou les tracteurs agricoles open source. Mais cette fois ci matérialisé autour de l’arbre et du végétal. Pour cela il nous faut les redéfinir comme des communs et plus simplement de la propriété publique ou privée.

Les 2 tendances du moment

Planter des arbres et créer des forêts urbaines… la réalité, poser des pots en plastiques avec des arbustes dedans en appelant ça « îlots de fraicheur » et planter des plans d’arbrisseaux entre l’autoroute et le parking de la zone industrielle en appelant ça « forêt urbaine« .

Je ne ni pas que prises individuellement ces initiatives ai du sens, mais je m’interroge sérieusement sur leur pertinence face aux enjeux globaux. C’est un peu la même chose que lorsque l’on a découvert le développement durable et que l’on a commencé à nous faire culpabiliser en nous disant que pour que la ressource en eau soit préservée, il fallait fermer l’eau du robinet pour se laver les dents… pendant ce temps la l’agriculture continuait de consommer 80% de la ressource en eau en payant 20% de la facture, les anciens appelaient ça « pisser dans un verre d’eau pour éteindre l’incendie ». Mes anciens à moi appellent ça « penser global, agir local ».

Exemple à Bordeaux : Planter des arbres

Oui mais quels arbres ? Quelles essences ? Quel stade de développement ? Et surtout, quel cadre de confiance, d’échange et de réciprocité pour leurs permettre de s’épanouir. Le temps des arbres n’est pas le temps des hommes.

Revisionnez la conférence de Christophe Drenou à Toulouse le 7 mars 2020 qui parle du temps des arbres : Urbain et périurbain : Le temps des Arbres

Exemple à Toulouse : Forêt urbaine

La notion de forêt urbaine est née à la fin du XXe siècle, désignant une forêt ou des boisements poussant dans une aire urbaine. On parlera plutôt de forêt périurbaine quand elle cerne la ville ou sa banlieue. (source)

Chez les autres

Au Canada, les arbres urbains et les micros forêts font déjà parti de la culture commune des habitants. Mais comme le montre ce reportage, c’est une démarche globale qui permet d’obtenir des résultats.

Le concept : les chartes de l’arbre (urbain) = singularité

Aller ça y est, nous y sommes, nous pouvons enfin rentrer dans le dur de notre sujet.

Initié par des individus et des collectifs engagés, l’action part le plus souvent d’une colère et d’une indignation face à un ou plusieurs faits accomplis.

Exemple avec le Ginkgo biloba de la ville du Mans

les 1ères chartes de l’arbre se montre (forcément) plus militantes que consensuelles. C’est pourquoi elles vont se montrer assez difficile non pas à créer mais à mettre en œuvre.

On peut dire comme tout mouvement pionnier que le point faible de ces 1ères initiatives est d’être trop en avance sur leur époque et de manquer d’exemples tangibles pour convaincre « le plus grand nombre ». Mettre un nouveau cadre c’est aussi, et pour certains avant toute chose, se mettre de nouvelles contraintes et donc se priver d’une certaine forme de liberté. Celle de nos élus locaux aujourd’hui c’est de construire des logements, des zones industrielles et commerciales, des écoles, des hôpitaux et des parkings.

Le bon arbre au bon endroit ok, mais on commencera la semaine… le mois… l’année prochaine.

Pour essayer d’être un peu plus objectif, notons que la Société Française d’Arboriculture (SFA) parle de Charte de l’arbre urbain et de Charte européenne de l’arbre d’agrément. Les exemples et les références commencent à apparaitre apportant un peu de matière à celles et ceux qui souhaitent s’engager dans ce type de démarche.

Objectifs et intérêts

Sur les aspects Politique
  • Rendre incontournable la prise en compte de l’arbre dans le développement urbain
  • Aborder la question de l’arbre en ville de façon globale
Sur les aspects techniques
  • Établir un référencement précis et détaillé du parc arboré de la commune (ou de la métropole)
  • Rédiger un plan de gestion à plusieurs années (plantations, tailles, soins, abattage…)

Une charte de l’arbre est et doit être un outil transversal à la disposition des élus, des techniciens, des entreprises et des citoyens.

En langage d’assureur, on dit pour un contrat que « ce qui n’est pas exclu est garanti ». Je pense aujourd’hui la même chose pour une charte de l’arbre « ce qui n’est pas interdit est autorisé/able ».

Les Preuves de Concept (POC) : exemple / hier = recule

A ma connaissance, la 1ère démarche qui va réaliser ce 1er exemple de référence en France est venue du grand Lyon avec l’adoption d’une charte de l’arbre métropolitaine. Sous l’impulsion de Gérard Colomb alors maire de Lyon, elle est votée en 2005… Sa force est de se doter dans la foulée d’une feuille de route avec le plan canopée et d’un pole ressources pour la suivre avec le service Arbres et Paysages. Présentation de cette charte et de ce plan par son concepteur Frederic Segur.

La charte

Le plan

Quelques avancées significatives…

Ce qui a marché

  • Reprise en port libre des arbres

Ce qui n’a pas marché

  • Pas de documentation de la démarche (non reproductible en l’état)
  • Pas d’historique des actions et des projets accessibles
  • Très peu de contribution des entreprises et des citoyens (institutionnel)

Témoignages

Jean François Ulyana du service Arbres et Paysages de la métropole de Lyon.

Les mises en pratiques (V.1) : exemple / aujourd’hui = expérience

Charte de l’arbre urbain

Une Charte de l’arbre urbain peut être signée par les collectivités soucieuses des arbres de leur territoire. Elle précise leurs objectifs et moyens quant à la préservation, gestion, restauration, extension et enrichissement de ce patrimoine. C’est aussi un document cadre pour leurs relations avec les concessionnaires de réseaux (EDF, GDF, CGE, France Télécom, etc.), les aménageurs et promoteurs, les gestionnaires de lotissements et de zones d’activité, les architectes, les entreprises privées, habitants, etc..

Aujourd’hui on dénombre en France 14 initiatives référencée sur cette carte éditée par la SFA.

Tous labels confondus et sans trop chercher, plus d’une vingtaine de villes affichent une charte de l’arbre sur leur site internet

  1. Albi
  2. Bondy
  3. Bourg en Bresse
  4. Carcassonne
  5. Grenoble
  6. Lyon
  7. Montauban
  8. Montpellier
  9. Montreuil-Juigné
  10. Nancy
  11. Nantes
  12. Pantin
  13. Poitier
  14. Puteaux
  15. Rennes
  16. Roubaix
  17. Rouen
  18. Saint-Jean de Monts
  19. Saint-Médard-en-Jalles
  20. Toulouse

Des intentions aux réalités

Mais évitons la langue de bois, la plupart d’entre elles sont et resteront que des intentions posées sur du papier sans réels moyens (volonté) de les transformer en actions.

On sait depuis longtemps grâce aux pionniers de ce type de démarche qu’une charte de l’arbre (cadre juridique) sans pole ressources associé (cadre opérationnel) ne fonctionne pas.

Pour exemple, lorsque vous cliquez sur la rubrique urbanisme de la plupart des sites de mairies, vous avez des liens vers le PLU, le contrat de rivière, SCOT, SAGE… mais jamais vers la charte de l’arbre qui elle se visualise en passant par la rubrique environnement .

Témoignages

Voici quelques témoignages de praticiens lors des rencontres nature et paysage le 6 avr. 2017 sur le thème de la charte de l’arbre.

Les opportunités

Tout le monde est (devient) écolo, tout le monde aime les arbres,

Le livre « l’intelligence des arbres »…

Arte, la 5, Youtube, Dailymotion… nous ont ouvert la voie des arbres

Les livres et les conférences des scientifiques…

La formation pour adulte… le COVID… les confinements… les reconversions…

L’arrivée de nouveaux acteurs en ligne et hors ligne comme le GNSA, Ver de terre, Le Chemin de la Nature, Le Jardin d’Emerveille…

Conclusion : Élu, gestionnaire, technicien, opérateur, sous traitant… oui, mais citoyen en commun ! C’est donc le « bon » point d’entrée.

Les freins

Si l’intention d’afficher que l’on aime les arbres et les petits oiseaux est souvent séduisante pour l’ensemble de nos élus (gauche, centre et droite), ils sont rapidement confronté à d’autres réalités comme l’aménagement urbain…

En effet, le jour ils souhaite faire raser une zone pour la construction d’un parking ou de logements sociaux, ils vont se retrouver confronté à de nouvelles règlementations contraignantes qu’ils auront eux même mise en place… le dilemme apparait.

Développement (V.2) : Charte de l’arbre 3.0 / demain = ambition

Elle sera coopérative ou ne sera pas…

Même si nous le voulions, nous n’auront jamais les moyens financier, humains et techniques pour répondre aux demandes tant les enjeux sont important.

On ne peut donc plus attendre qu’un messi vienne faire (faire) le travail à notre place…

Rappel :

  • Collaborer = intérêts communs
  • Coopérer = objectifs commun

Les défis

Ouvrir de nouveaux droits aux arbres et plus d’usages numériques dans nos pratiques de « professionnelle-amateurs »… aller jusqu’au bout de notre volonté de connexion avec les arbres.

Exemple de solution d’ouverture des données avec Natural Solution

Le droit

Doter notre patrimoine végétal commun d’un capital informationnel commun.

« Le patrimoine informationnel commun est la centralisation de différents biens communs informationnels au sein d’une même source. » (source)

Dans notre cas il s’agit d’une cartographie ouverte de géolocalisation des arbres, d’une fiche descriptive par sujet, d’un descriptif de leur histoire comme la date de plantation, leurs caractéristiques botaniques, les commentaires des interventions, etc.

Exemple de données ouvertes et partagées avec ParisData

S’il n’est pas souhaitable de permettre à « tout le monde » d’intervenir physiquement sur des arbres (c’est un métier), en revanche, « le plus grand nombre » peut participer à développer et améliorer les connaissances qui lui sont liées. (date de débourrage des bourgeons, observation de maladies, de branches cassées…)

Le but 1er des chartes de l’arbre dans les années constituera à établir un cadre de confiance pour permettre la création de contrats d’échanges et réciprocités autour des arbres (appel d’offre d’opérateurs externes, convention avec des associations, convention avec des écoles, appel à manifestation d’intérêt, ect.).

Pour faire une métaphore avec les assurances, ont peut dire qu’une charte de l’arbre représente les Conditions Générales (C’est le gros livret que vous gardez chez vous mais que vous ne lirez jamais) et que les Conditions Particulières (C’est la feuille ou vous regardez en bas à droite parce que c’est là qu’est marqué le prix) sont les conventions signées par la collectivité avec des acteurs privés.

Le numérique comme accélérateur au changement

Points de repères :

  • le Web 1.0 = ouverture des 1ers portails de services via le réseau internet (météo, programme TV, catalogue VPC en ligne…) > Usages descendants
  • le Web 2.0 = apparition des services contributifs (wiki, forum, blog, vidéo, réseaux sociaux…) > Usages montants
  • le Web 3.0 = l’internet des objets communicants et connectés au vivant (montres, électroménager, voitures, maisons… arbres !) > Usages augmentés

Exemple :

  • Wikipédia : encyclopédie universelle du vivant
  • OpenStreetMap : cartographie universelle du vivant
  • Tela Botanica : encyclopédie ouverte du végétal

Bien conscient qu’il reste encore beaucoup de chemin à parcourir pour en arriver là, la 1ère chose à faire est de montrer des exemples concrets qui marchent sur le territoire… à suivre donc.

Un exemple de technologie prometteuse pour connecter les données de l’arbre avec l’opérateur, les puces RFID et NFC.

Si le sujet du Web 3.0 et des objets connectés vous parle, la page Médiation numérique à l’internet des objets sur le wiki Movilab devrait vous intéresser.

Conclusion

Co-construire l’économie des communs

Sortir de la prestation par appel d’offre pour aller vers les budgets contributifs…

Architectes paysagistes, opérateurs, arboristes, techniciens… imaginez que nous ne sommes plus concurrent mais associé, en compétition mais en coopétition, en sous traitance mais en coopération… non ce n’est pas le nouveau slogan du partis communiste français, il s’agit d’une vision de développement durable à moyen et long terme pour que chacun de nous puisse encore trouver sa place et surtout faire encore manger sa famille.

Passer à plus d’économie contributive ne signifie pas choisir que ce type d’économie, mais dans le cadre d’une charte de l’arbre qui se voudrait opérationnelle et durable, il me semble essentiel qu’elle soit prédominante.

Aller encore plus loin

Changer ou donner un cadre juridique plus adéquat digne des enjeux auxquels nous devons collectivement répondre… en d’autres termes, pour changer la forme il faut changer le fond.

La charte des droits de l’arbre

Ce qui nous paraissait ridicule, voir honteux hier…

  • Le droit d’égalité aux noirs
  • Le droit à l’autonomie des territoires colonisés
  • Le droit de la propriété foncière pour les paysans
  • Le droit de disposer d’un compte bancaire pour les femmes
  • Le droit qu’elles votes
  • Le droit aux animaux
  • Le droit d’être homosexuel
  • Le droit d’être 2 parents du même sexe
  • Le droit d’être IEL…

Et pourtant, que l’on trouve ça bien ou pas, toutes ces (r)évolutions avant tout juridiques ont bien eu lieu.

Alors souhaiter donner aujourd’hui des droits aux arbres est ce si improbable que cela en a l’air ?

En avril 2019, à l’appel de l’association ARBRES Remarquables, plusieurs acteurs et personnalités se sont réunis dans les locaux de l’assemblée nationale pour lancer l’initiative.

Lire le projet de la charte des droits de l’arbre (PDF)

Mes intentions perso-professionnelles

Je ne sais évidement pas ce que deviendront ces chartes de l’arbre dans les années à venir hors mis le fait qu’elles seront beaucoup plus nombreuses, en revanche je sais une chose, c’est que j’aimerais beaucoup, lorsque le baudrier et la tronçonneuse commenceront à être trop lourd à porter pour mon dos de quinquagénaire, avoir l’occasion de co-construire une charte de l’arbre 3.0 à l’échelle d’une commune ou d’une métropole. Elle serait visible, lisible et accessible.

Entre opportunités et propositions spontanées, l’avenir me le dira.

Ressources

Articles

Livres

Image d’illustration de l’article : Rue89Bdx

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